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Tribune « La méritocratie scolaire est une croyance plus qu’une réalité »

Florence Rizzo, François Dubet, Céline Darnon et Sébastien Goudeau appellent à soutenir les enseignants dans le développement de pratiques pédagogiques génératrices d’équité.

La tradition française attribue un rôle clé à l’école dans la mobilité sociale. Pourtant, les enquêtes Pisa de ces dernières années rappellent que la France est l’un des pays les plus inégalitaires de la zone OCDE : le poids de l’origine sociale pèse davantage qu’ailleurs sur les résultats scolaires. Comment réduire cette fracture ?

Pour creuser cette question, l’association SynLab a conduit en juin une grande enquête auprès de 826 enseignants. L’objectif était d’examiner le lien entre les croyances des enseignants et leurs pratiques pédagogiques liées à la réussite scolaire. Les résultats de l’enquête montrent que plus les enseignants croient en la méritocratie scolaire (c’est-à-dire plus ils pensent que des affirmations telles que « à l’école, quand on veut, on peut » correspondent à la réalité), plus ils engendrent un climat de « performance » en classe (comparaison entre élèves, mise en avant des bons éléments, sanctions, pratiques compétitives…) et moins ils favorisent un climat de « maîtrise » (valorisation des progrès, présentation de l’erreur comme une étape nécessaire à l’apprentissage…). Or la recherche a montré que les pratiques compétitives ont tendance à accentuer l’écart de performance entre les élèves issus de milieux populaires et ceux issus de milieux plus favorisés.

« Les pratiques compétitives ont tendance à accentuer l’écart de performance entre les élèves issus de milieux populaires et ceux issus de milieux plus favorisés. »

A l’inverse, il existe des pratiques pédagogiques efficaces pour faire progresser les plus fragiles sans pour autant freiner les meilleurs élèves. Faire coopérer les élèves entre eux, leur expliquer que l’erreur permet d’apprendre et mettre cela en pratique dans son enseignement, leur faire des feedbacks individualisés en leur expliquant ce qu’ils n’ont pas compris et pourquoi, donner du sens et expliciter l’utilité des apprentissages scolaires, préciser l’objectif d’une séquence de formation avant de commencer à l’enseigner : voici quelques exemples de pratiques pédagogiques dont les recherches expérimentales ont montré qu’elles sont bénéfiques à l’apprentissage.

Or l’enquête réalisée par SynLab montre que plus les enseignants favorisent, dans leur classe, un climat de performance, moins ils rapportent utiliser l’ensemble de ces pratiques identifiées par la littérature scientifique comme utiles pour permettre les progrès de tous et, dans bien des cas, réduire les inégalités. Loin de soutenir un nivellement par le bas, ces pratiques permettent au contraire à chacun de progresser.

Il est intéressant de le noter : 90% des enseignants interrogés dans l’enquête déclarent avoir envie d’être informés et formés sur les pratiques efficaces pour réduire les inégalités. Nous pouvons donc améliorer la performance de notre système éducatif si et seulement si nous sommes prêts à reconnaître collectivement que la méritocratie scolaire est une croyance plus qu’une réalité, et si nous sommes prêts à soutenir les enseignants dans le développement de pratiques pédagogiques génératrices de plus d’équité.

Tribune rédigée par Florence Rizzo, cofondatrice de SynLab, Céline Darnon, chercheuse en psychologie sociale à l’université Clermont-Auvergne, François Dubet, sociologue, et Sébastien Goudeau, chercheur en psychologie sociale à l’université Paris-Descartes.

Florence Rizzo

Co-fondatrice

Elle grandit en zone rurale dans l’est de la France et poursuit sa scolarité dans des écoles publiques. Ses parents n’ont pas le “bac” mais ils croient fermement en l’éducation. Son père, fils de mineur lui transmet une conscience sociale et sa mère infirmière, une culture du soin. Curieuse et avide d’apprendre, elle a la chance de partir en Hypokhâgne au lycée Lakanal de Sceaux puis d’intégrer quelques “grandes écoles” : ScPo, Essec, Insead. A chaque fois, le même sentiment d’assister à une forte reproduction des inégalités, ce qui renforce son engagement et son envie de contribuer à la réduction de ces inégalités. Ecolhuma naît en 2012 de cette envie profonde de mettre ses compétences au service d’une éducation de qualité accessible à tous et de la conviction que cela ne pourra se faire sans un accompagnement humain de celles et ceux qui font l’école au quotidien. Elle croise la route de nombreuses personnes qui font d’Ecolhuma une aventure collective.

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